Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/61

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assez timidement : — Vous n’auriez pas besoin d’un ouvrier ?

— Ça ne nous regarde pas, répondit la contre-maître, adressez-vous au chef des hommes, c’est lui qui embauche.

L’ouvrier tournait sa casquette entre ses doigts.

— Il n’y est pas, ajouta la contre-maître, revenez dans une demi-heure, il sera sûrement de retour.

— Connais pas cette tête-là, grogna Chaudrut, qui, se trouvant sans le sou, déjeunait à l’atelier d’une miche de pain et d’un morceau de brie. — Le patron avait refusé, le matin même, de lui avancer dix sous qu’il réclamait avec de fausses larmes dans la voix. — Le vieux gredin gémissait, guignant de l’œil l’enfant de sa fille qui se versait d’une petite bouteille clissée d’osier du vin dans un gobelet. — Prends garde, ma toute belle, dit-il, tu vas t’étrangler, attends donc, pour boire, que tu n’aies plus la bouche pleine. — Il était devenu très paternel, cherchait à apitoyer l’enfant et à se faire offrir la moitié de sa piquette.

La petite ne répondant pas, il se leva, et, tout courbé, gauchissant ses espadrilles, gémissant sur les malheurs de son estomac, grognonnant après cette gueuse de déveine qui le poursuivait, il s’en fut, un litre en main, chercher de l’eau à la fontaine.

— Tu sais, dit la mère Teston à la fillette, si