Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/66

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un sabot à quarante centimes l’heure, puisqu’on ne l’employait qu’aux gros ouvrages. Et cependant il n’avait l’air ni d’un gobichonneur ni d’un imbécile. Comme figure, elle n’enviait pas un amoureux différent, et puis il ne la regardait point avec des mines indécentes, ainsi que tant d’autres qu’elle avait dû remettre à leur place. C’était seulement dommage qu’il n’eût pas la mine plus hardie et plus gaie.

Il n’était, en effet, ni hardi ni gai. Auguste pouvait être classé parmi ces gens que le peuple appelle des « gnan-gnan ». Parti comme soldat et revenu, après cinq années de garnison, chez sa mère, il était entré à tout hasard dans la brochure, s’étant laissé raconter qu’un homme de bonne volonté pouvait rapidement apprendre l’assemblage et gagner facilement sa vie.

La maison Débonnaire était connue sur le pavé de la capitale ; elle racolait souvent des hommes de peine et pouvait fournir du travail même aux gens peu experts dans le métier de brocheur. — Auguste était arrivé, il s’était adressé à Désirée plutôt qu’à une autre, pourquoi ? il ne le savait ; sans doute parce qu’elle lui avait semblé bonne fille et pas moqueuse. Les autres, pensait-il, ont l’air diablement rosse, et ce joli garçon avait peur d’être baliverné par