Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/69

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qu’il ne fût enchanté de l’avoir vue et elle en était naturellement flattée.

Un moment, elle dut se lever pour aller prendre de l’assemblage sur un tréteau juché près de la presse. Elle eut une petite rougeur aux joues quand elle le frôla. Auguste demeura très bête. De loin, il se hasardait à la dévisager ; de près, il n’osait plus. Quand elle retourna à sa place, le corps un peu renversé, tenant en ses bras les feuilles à coudre, il la trouva décidément charmante.

Il se reprochait d’être aussi peu brave. — Pourquoi ne pas lui avoir parlé lorsqu’elle était près de lui ; mais, au fait, qu’aurait-il pu lui dire ? Dans un atelier, tout le monde observe et écoute, il ne pouvait prononcer, sans qu’il fût entendu, un mot même très bas, et puis sûrement elle se serait fâchée. — N’importe, il allait toujours tenter la chance. — Il rumina de réparer sa couardise, en la suivant, le soir ; il se demanda par quelle phrase il tenterait de l’aborder, si elle ne le repoussait point, il lui offrirait quelque chose chez un marchand de vins et là il se sentirait plus à l’aise. Le tout, c’est qu’elle ne l’éconduisît pas dès le premier mot.

Puis il se fit la réflexion que ce serait sans doute peine perdue ; n’avait-elle donc ni amoureux ni amant, qu’elle voulût bien accepter ses