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Page:Huysmans - Les foules de Lourdes (1907).djvu/116

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LES FOULES DE LOURDES

tout ce qui figurera vos anges et vos saints sera bas. Vous constaterez aussi que je n’ai rien omis ; j’ai même songé aux objets du culte, à ceux qui touchent surtout à la chair même du Christ ; je me suis spécialement occupé des monstrances et des ciboires et j’ai voulu qu’ils fussent d’un goût somptueux, atroce. L’abomination singulière pourtant de la bijouterie religieuse de l’Europe ne m’a pas suffi ; vous y étiez habituée peut-être ; j’ai trouvé mieux ; j’ai requis les rastas de l’Amérique du Sud et ils m’ont compris. Je suis vraiment satisfait des articles effrayants qu’ils vous offrirent. Ah ! les pièces de votre trésor de Lourdes, ce que je les ai, moi-même, une à une, choisies !

Et ces paroles s’attestent d’une déconcertante vérité, quand on considère l’esthétique de Lourdes !

L’art est, en effet, un don particulier que l’homme emploie à sa guise, bien ou mal, mais qui n’en garde pas moins, si profane qu’il soit, le caractère divin d’un don. Il est, sous des apparences variées qui atteignent l’âme et affectent les sens, la reproduction du Beau unique et multiforme comme la divinité même qu’il représente un peu, dans son faible miroir, car le Beau infini, inaccessible à l’être déchu, est identique à Dieu même.

Et Lamennais qui se sert de termes à peu près semblables pour définir l’art, conclut : « Le Beau,