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Page:Huysmans - Les foules de Lourdes (1907).djvu/62

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LES FOULES DE LOURDES

dans des cloches superposées de jupes où se perçoivent des liserés, colorés avec le rose aigre et le violet criard de l’aniline. Elles aussi, sont de n’importe quelle région, à partir de la ceinture et redeviennent, de la taille à la nuque, Bretonnes ; quelques-unes s’accoutrent de collerettes godronnées, tuyautées de petits plis comme du temps de Louis XIII et de corsages soutachés de croissants ou de pinces de crabes, en velours ; une ou deux, issues du fond du Finistère, ressemblent à des Hollandaises avec leurs robes, frangées d’orange et les broderies en paillons de leur coiffe ; toutes se reconnaissent, dans la foule, à leurs bonnets cocasses et variés ; ils affectent, en effet, les plus étranges formes, depuis le pot de fleur, posé à la renverse, sur le chignon, le casque amidonné et la courte mître, jusqu’aux élytres du papillon et au sabot du cypripedium, de l’orchidée ouverte en vide-poche et munie d’ailes.

En ce tas de l’Armorique qui vermille dans les rues et sur le pont, des estropiats et des manchots, des enfants déformés, aux membres interrompus, des vieillards dont les goîtres pendent pareils à d’énormes poires, des vieilles femmes qui claudiquent, appuyées sur leurs potences, des aveugles avec des prunelles en blanc d’œuf, sont entourés et surveillés par les sœurs du Saint-Esprit dont le costume qui paraît découpé dans de la toile écrue,