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Page:Huysmans - Les foules de Lourdes (1907).djvu/71

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LES FOULES DE LOURDES

dit ? le patient est à moitié évanoui et ne sait plus où il est et les infirmiers sont absorbés par leur dure besogne ; moi-même, qui demande la guérison de ce pauvre homme, je suis distrait par ce que je vois ; il ne faut donc valablement compter que sur les exorations plus libres du dehors que l’on entend, continues et véhémentes, dès que le rideau se lève.

Et il retombe sur une nouvelle civière qu’on amène. Il en sort un être, recroquevillé sur lui-même dont le visage, rendu hagard par la souffrance, me bouleverse. Quelle pitié ! on le débarrasse de ses couvertures, de son gilet de flanelle : c’est un squelette en sueur. On le descend doucement dans l’eau ; il la pétrit de ses mains crispées et râle ; on l’en extrait et on le replace, tout mouillé, sur son brancard — et un autre entre.

Ah ! le regard de celui-là ! — deux flammes de gaz, allumées dans les orbites d’une tête de mort et qui sont, tour à tour, comme haussées par l’espoir et baissées par la peur ; on ôte sa chemise ; elle est maculée, par endroit, de gomme-gutte et de sang frais, empesée, à d’autres, par des taches d’humeur sèche qui la font ressembler à du sparadrap. Et l’homme apparaît, avec des grenades ouvertes dans les flancs.

Une fois dans l’eau il halète, rauque, les yeux hors du front, et des tampons de charpie que l’on