Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/130

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eût été insupportable si elle n’avait servi au poëte de havre où il renfloua sa barque en détresse. Il avait même fini par s’attacher à cette pauvre femme, si timide qu’elle n’osait lever les yeux et si peu coquette qu’elle se coiffait, la nuit, de madras à raies.

Il regretta de ne pas lui avoir ouvert et il fut à ce moment furieux contre Marthe ; il évitait maintenant de la regarder, mais elle ouvrit les yeux et l’appela près du lit. Il fut presque sur le point de retomber sous le charme, tant elle était fascinante cette gouge aux prunelles claires ! mais le jour qui blutait sa poudre d’or au travers des rideaux, lui montra son visage bleui par les meurtrissures des nuits et cette attitude qui décelait la fille traînée par tous les cloaques des villes ; il ne répondit pas et il sifflota tout en regardant par la fenêtre.

Marthe se leva, s’habilla lentement et lui dit :

— Tu as raison, après tout, nous sommes usés, mon cher, j’ai cru retrouver nos anciennes ivresses et nous ne sommes plus de force, ni l’un, ni l’autre, à les faire renaître, mieux vaut en finir et ne plus nous voir, je m’en vais, et pour de bon, cette fois.