Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/143

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boisé ma chère, et avec ça, plus de voix, je ne puis même plus filer un son ; le battant de ma sonnette est perdu, je l’aurai avalé par mégarde dans le fond d’un litre. Hein ? je suis changé, dis donc ? Ah dame ! je suis vêtu, sans prétention et sans chic, mon elbeuf se déforme, mon grimpant se détraque et mes bottes sont blettes, — que veux-tu ! Ça vous vieillit un homme que d’être dans la misère et d’avoir toujours soif ! Mais, voyons, parlons un peu de toi, sais-tu que tu es toujours mignonne et, qui plus est, crânement ficelée. Tu dois être riche ! Ah bien alors, tu devrais bien me prêter quelques sous pour boire une chopine ; et tendant un affreux bourgeron, il ajouta avec son effroyable sourire : Un jaunet, ma princesse, ça vous portera bonheur.

Les yeux de Marthe eurent comme une explosion d’ivresse :

— Ah ! dit-elle, depuis le temps où tu me rouas de coups, tu n’as point fait fortune, cela doit te paraître dur, hein, de me demander l’aumône ?

Puis, à la vue de ce visage, tanné et comme fumé par la misère, sa jactance tomba, la pitié lui revint au cœur, elle embrassa la barbe hideuse du