Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/34

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La nuit fut invraisemblablement triste. — La fille gémissait et se plaignait de ne pouvoir dormir ; le garçon, mourant de froid, s’était assis sur le fauteuil et berçait la mioche qui vagissait de lamentable façon. Vers trois heures, la neige tomba, le vent se prit à mugir dans le corridor, ébranlant les fenêtres mal jointes, souffletant la bougie qui coulait éperdue, chassant de la cheminée les cendres qui volèrent dans la pièce. L’enfant était gelée et avait faim ; pour comble de malheur, ses langes se défirent et, rendu inhabile par ces raffales qui lui glaçaient les mains, le jeune homme ne put jamais parvenir à les remettre. Détail trivialement horrible, cette chambre sans feu le rendit malade et il ne sut plus que devenir, la pauvrette criant de plus en plus fort dès qu’il ne la berçait point.

Le résultat de cette veillée fut que l’enfant et l’homme moururent : l’une de faiblesse et de froid, l’autre d’une incomparable hydropisie que cette nuit hâta. Seule, la fille sortit de la tourmente, plus fraîche et plus affriolante que jamais. Elle vécut pendant quelque temps, à l’affût des carrefours, jusqu’au soir où, découragée et ne trouvant plus elle-même de boue où ramasser son pain,