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Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/53

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gie, évoquèrent en elle des souvenirs précis et elle demeura, fascinée, muette ; et comme sortant d’un songe, dit entre ses dents : Comme c’est bien cela !

Elle s’assit de nouveau dans le fauteuil, lui, se mit à cheval sur une chauffeuse et tisonna le feu. Ils étaient déconcertés. Elle songeait à sa vie d’autrefois. Tous ses souvenirs se réveillaient. Ces allures de bouge, cette saveur de fille qu’elle s’étudiait à faire disparaître, reparurent tout à coup et l’obsédèrent invinciblement. Plus elle s’observait et plus les mots étranges, plus les maladresses, plus les expressions qu’elle eût voulu oublier, lui revenaient et jaillissaient, malgré elle, de ses lèvres. Elle rompit la conversation que Léo avait reprise et regarda le foyer d’un air si sombre que son amant ne sut plus, ni que dire, ni que faire.

Sur ces entrefaites, la pendule qui jasait sans relâche, comme pour les railler de leur silence, sonna deux heures. Marthe leva la tête. Léo saisit l’occasion et lui dit :

— Je crois qu’il serait temps de nous coucher.

Et tandis qu’elle passait dans l’autre chambre, il s’enfouit dans le fauteuil qu’elle venait de quitter, et se plongea dans ses réflexions.