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Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/80

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bas, près d’un concert, un arbre déchiquetait ses linéaments frêles sur le gris ardoisé du ciel. Plus loin enfin, le pont des Arts s’estompait dans la brume avec sa couronne de becs de gaz et l’ombre de ses piliers se mourait dans le fleuve en une longue tache noire. Une mouche fila sous l’arcade du pont, jetant une bouffée de vapeur tiède au visage de Marthe, laissant derrière elle un long sillage de mousse blanche qui s’éteignit peu à peu dans la suie des eaux. Une pluie fine commençait à tomber.

Marthe ne pensait plus à rien.

Elle regardait la Seine, sans même la voir. La pluie tomba plus drue, de plus larges gouttes lui fouettèrent le visage. Elle se réveilla comme d’un songe. Le spectre de la police se dressa devant elle, implacable ; elle se pencha sur le parapet, eut, pendant une seconde, l’idée d’en finir avec tous ses maux, puis elle eut peur, recula et, effarée, voulut s’enfuir, quand un homme ineffablement ivre lui prit le bras.

— Tiens, Marthe ! Ah ça ! Que fais-tu à regarder la Seine, pluie battante et manteau trempé ?

Et Ginginet, remarquant combien elle était pâle, lui demanda si elle souffrait.