Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/97

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poing dans la poitrine ; il rentrait chez lui, les épaules en avant, les genoux pliés, s’essayait à écrire quelques lignes, jetait sa plume avec rage, prenait un livre, regardait sa montre, attendant que dix heures sonnassent pour se mettre au lit.

Ah ! la journée était lourde à porter ! mais le soir, avec les demi-teintes du crépuscule et ces ciels rouges d’automne qui navrent jusqu’au spleen, toutes ces rancunes se ravivaient et l’assaillaient plus opiniâtrement encore. Quoi qu’il voulût faire il pensait à Marthe ; il la revoyait excitante et narquoise, il se rappelait l’ondulation de sa croupe sur le divan, elle lui souriait, œil allumé et dents en l’air, et il se levait, les sens en rumeur, prenait son chapeau et fuyait par les rues. À toutes ces douleurs vinrent se joindre ces terribles détails de la vie qui brisent les plus fiers. Ces riens, ce linge en miettes qu’on ne raccommode pas, ces boutons arrachés, ces bas de pantalon qui s’effrangent et vous donnent l’air d’un misérable, ces ineptes bêtises qu’une femme conjure en deux tours d’aiguille, le harcelèrent de leurs mille piqûres et lui firent sentir plus encore combien il était délaissé par tous. Pour la première fois de sa vie, il songea au mariage, mais il