Page:Huysmans - Sainte Lydwine de Schiedam (1912).djvu/243

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les planches et la fumée des ruines que l’on noyait, l’asphyxiaient. N’y tenant plus, elle chercha un bâton qui lui servait d’habitude à attirer ou à repousser les courtines du lit et aussi à frapper des coups quand elle avait besoin d’appeler, mais elle eut beau promener en tous sens le seul bras qu’elle avait libre, elle ne le découvrit plus.

Elle était sûre pourtant que le fléau ne l’atteindrait pas, qu’elle ne périrait point, suffoquée ainsi et la peur fut plus forte que la raison ; la nature prit le dessus, le silence de son ange l’accabla, elle défaillit et pleura en songeant qu’elle allait mourir sans l’aide des sacrements, seule, en son coin.

L’énervement issu de la fièvre qui la rongeait accélérait cette panique. À ces détails, l’on peut juger combien lorsque le Seigneur le veut, les âmes, même les plus avancées dans la voie du sacrifice, errent et vacillent. Au fond, rien n’est plus malaisé que tuer ce que saint Paul nomme « le vieil homme ». On l’engourdit, mais, la plupart du temps il ne meurt pas. Un rien le sort de sa léthargie, et le réveille ; il semble que le Démon arrose, en secret, les anciennes racines et les empêche de jamais se dessécher ; et les premières pousses qu’elles produisent, en silence, dans l’ombre de l’âme, ce sont celles de la vaine gloire, cette ivraie spéciale des êtres privilégiés ! Lydwine était bien éloignée de ce sentiment pourtant, et néanmoins Dieu voulut l’humilier, une fois de plus, en permettant qu’elle doutât de l’efficace de ses prières, qu’elle se cabrât devant le péril et