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LES GRÜNEWALD DU MUSÉE DE COLMAR

homme ? En tout cas, jamais peintre n’a osé, dans le rendu de la putréfaction, aller aussi loin. Il n’existe pas dans les livres de médecine de planches sur les maladies de la peau plus infâmes. Imaginez un corps boursouflé, modelé dans du savon de Marseille blanc et gras marbré de bleu, et sur lequel mamelonnent des furoncles et percent des clous. C’est l’hosanna de la gangrène, le chant triomphal des caries !

Grünewald a-t-il voulu représenter dans ce qu’il a de plus abject le simulacre d’un démon ? Je ne le pense pas. À considérer avec soin le personnage, l’on s’aperçoit qu’il est un être humain qui se décompose et qui souffre.

Et si l’on se rappelle que ce tableau vient, ainsi que les autres, de l’abbaye des Antonites d’Isenheim, tout s’élucide. Quelques explications sur le but de cet Ordre suffiront, je crois, pour déchiffrer l’énigme.