Page:Ibn Battuta - Voyages - Traduction Sanguinetti - Volume 1.djvu/13

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ceau de l’islamisme, donna naissance à des caravanes qui, chaque année, partaient de la Syrie, de la Perse, des extrémités de l’Afrique musulmane, pour visiter la patrie de Mahomet et le lieu de sa sépulture. Aux prescriptions de la loi venait se joindre l’aiguillon de l’intérêt, puisque, à l’époque du pèlerinage, la Mecque était transformée en un immense marché, où les pèlerins trouvaient à échanger avantageusement les productions de leurs pays respectifs. La sobriété si remarquable de la race arabe diminue considérablement les frais et les embarras de voyages aussi longs, exécutés souvent à travers des pays dépourvus de toute ressource. Le caractère hospitalier des Orientaux contribue aussi au même résultat. La charité des riches pèlerins, ou le produit de fondations pieuses faites par de grands personnages et des hommes opulents, vient en aide aux plus pauvres. Enfin, le dogme du fatalisme, si profondément enraciné dans l’esprit des musulmans, les empêche de se laisser effrayer d’avance par les risques et les privations qu’ils peuvent avoir à supporter. Ils partent donc pleins de confiance dans la Providence et dans la charité de leurs coreligionnaires.

Voilà pour la masse des musulmans, pour ceux qui n’agissent que dans un esprit de dévotion ou dans des vues d’intérêt. Quant à la classe éclairée, deux autres motifs pouvaient se joindre aux premiers, pour l’entraîner dans des voyages lointains. Les hommes voués à l’étude de la jurisprudence et de la théologie se flattaient de rencontrer loin de leur patrie des professeurs profondément versés dans ces sciences ; les Arabes d’Espagne et du Maghreb surtout étaient attirés vers les écoles de Tunis, de Kaïroan, du Caire, de Damas et