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dues visites que le pape aurait faites chaque année à l’église de Sainte-Sophie, et des honneurs que ce pontife aurait reçus de l’empereur à son arrivée, et durant tout le temps de son séjour.

Le chapitre consacré par Ibn Batoutah à la description de Constantinople nous présente un fait très-singulier pour quiconque connaît l’esprit d’intolérance dont se piquent les musulmans rigides : nulle part l’auteur n’y laisse percer le moindre sentiment d’animosité contre les chrétiens. Il justifie ainsi l’éloge qu’un écrivain de mérite lui accordait récemment, d’être à la vérité un sunnite sévère, mais de ne pas éprouver de haine religieuse bien violente[1]. Il est toutefois un passage de ce volume (p. 305) qui pourrait contredire cette opinion favorable, touchant l’esprit de tolérance de notre auteur. C’est celui où il raconte si complaisamment la conduite injurieuse, autant que ridicule, qu’il tint envers le médecin juif du sultan de Birgui ou Birgheh. Mais il ne faut pas perdre de vue, d’abord, que ce médecin avait osé s’asseoir au-dessus des lecteurs du Coran, et ensuite que notre auteur était originaire d’un pays où les juifs ont toujours été, et sont encore actuellement traités d’une manière plus vexatoire et plus outrageante que partout ailleurs. Qu’il nous suffise de rappeler les persécutions et les humiliations auxquelles ils furent exposés dans l’empire de Maroc, sous les Almohades et les Mérinides[2], et les avanies dont ils sont encore journellement abreuvés au Maroc. A Tétuan, ville où la communauté

  1. Journal des Débats du 14 décembre 1853, article de M. Ernest Renan.
  2. Conf. le Journal asiatique, juillet 1842, p. 14, et 39-47 ; le même journal, novembre-décembre 1851, p. 482-484.