Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
HISTOIRE DES BERBÈRES.

peuples et conquis leurs villes, — elles échangèrent la rudesse de la vie nomade et la simplicité de mœurs qui les distinguait aux premiers temps du khalifat, contre les grandeurs de la domination et la mollesse de la vie sédentaire ; et s’étant empressées d’abandonner les localités du Désert qu’elles avaient jusqu’alors fréquentées, elles se répandirent dans les régions éloignées et jusqu’aux dernières limites de l’empire musulman. Arrivés là, les membres de ces tribus s’établirent, soit par bandes, soit isolément ; formant ainsi des garnisons et des postes avancés sur la frontière ennemie, pendant que l’empire fondé par leurs armes passait de race en race et de famille en famille[1].

Portés au faîte de la puissance en Irac, sous la dynastie des Oméïades, redoutables encore sous celle des Abbacides, parvenus à la plus haute fortune en Espagne, sous la seconde dynastie oméïade, les Arabes se virent en possession d’une gloire et d’un bien-être qui n’avaient jamais été le partage d’aucun autre peuple. Entourés des biens du monde et livrés aux plaisirs, ils s’étendirent sur la couche de la mollesse, et, savourant les délices de la vie, ils tombèrent dans un long sommeil à l’ombre de la gloire et de la paix.

S’étant ainsi accoutumé aux demeures fixes, le peuple arabe oublia la vie du Désert et perdit les facultés qui l’avaient aidé à conquérir le pouvoir et à subjuguer les nations ; il ne lui resta plus ni la simplicité des premiers temps de la religion, ni les mœurs agrestes auxquelles il s’était formé dans le Désert : tout chez lui s’émoussa jusqu’au tranchant de son épée.

Alors le guerrier ne se distingua plus de l’artisan que par son inaptitude au travail, et l’individu de race nomade ne différa du citadin que par l’habillement. Le souverain ne souffrit plus la présence de chefs capables de rivaliser avec lui par la gloire


    arabes, il faut consulter l’ouvrage de M. Caussin de Perceval, intitulé Essai sur l’histoire des Arabes avant l’Islamisme et pendant l’époque de Mahomet, etc., en trois vol. in-8°. — On ne saurait assez louer ce travail qui décèle, à chaque page, le profond savoir, les recherches consciencieuses et le jugement éclairé de l’auteur.

  1. Nous suivons la leçon indiquée dans la note du texte arabe.