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TRIBUS ARABES.

et encore ne les rencontre-t-on que dans les généalogies de quelques individus qui mènent une vie obscure, éparpillés dans les villes de l’empire, derniers débris d’un grand peuple, maintenant dispersé et perdu dans la foule. Ces malheureux, tenus dans l’avilissement, sont les humbles serviteurs des émirs : semblables aux vils troupeaux, ils obéissent à la baguette du maître, ou bien ils exercent quelque métier pour vivre.

Une autre race était devenue l’appui de l’état et de la religion ; d’autres mains avaient recueilli la puissance et l’autorité ; d’autres patrons s’étaient chargés d’encourager les sciences et les arts. Ainsi, du côté de l’Orient, les Deilemites, les Seldjoukides, les Kurdes, les Ghozz et les Turcs, peuples d’origine étrangère, ont successivement exercé leur domination dans l’empire musulman, jusqu’à nos jours. Il en est de même dans l’Occident, où les Zenata et les autres peuples berbères se sont alternativement emparés du pouvoir, et le conservent encore, ainsi que nous le raconterons dans cet ouvrage.

Quant aux tribus arabes qui avaient autrefois joui de l’autorité, la majeure partie a péri, et leur souvenir a disparu avec elles. Toutefois, un débris de ce peuple est toujours resté dans le Désert, où il s’adonne à la vie nomade. Fortement attachées à leurs lieux de parcours, ces peuplades ont conservé la rudesse des mœurs et les habitudes agrestes qui naissent de la vie pastorale : elles ne se sont pas jetées dans l’abîme du luxe ; elles ne sont pas allées se noyer dans l’océan de la mollesse, et elles n’ont pas voulu s’établir dans des demeures fixes ni s’ensevelir dans des villes. Aussi, un de leurs poètes a dit :

Qui peut trouver du plaisir à vivre dans une ville ? quel homme du Désert s’est jamais livré à la mollesse ?

Et le poète El-Moténebbi[1] a reproduit le même sentiment dans une pièce de vers composée en l’honneur de Seif-ed-Dola[2] ; il

  1. La vie de ce grand poète se trouve dans le Dictionnaire biographique d’Ibn-Khallikan. (Voy. ma traduction anglaise de cet ouvrage, vol. i, page 102 et vol. ii, page 334.)
  2. Le poème dont il s’agit ici a été publié par M. de Sacy dans sa