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TRIBUS ARABES.

Ed-Daher ferma les yeux sur cet événement ; son fils et successeur, El-Mostancer, ne parut y faire aucune attention non plus ; aussi, El-Moëzz, en ayant rejeté tout le blâme sur le peuple, vit agréer ses excuses. Dès-lors, ce prince continua à faire la prière au nom du khalife [fatemide] et à lui envoyer les présents d’usage. Pendant tout ce temps, il entretenait une correspondance écrite avec Abou-’l-Cacem-Ahmed-el-Djerdjeraï, vizir de ces deux souverains, gouverneur de leur empire et directeur de toutes leurs affaires. Cherchant ainsi à le mettre dans ses intérêts, il lançait des sarcasmes contre les descendants d’Obeid-Allah [les fatemides] et contre leurs partisans. El-Djerdjeraï fut surnommé El-Actâ (le mutilé) parce qu’El-Hakem lui avait fait couper les mains pour crime de péculat. Lors de cet événement, toute l’autorité dont ce vizir avait disposé passa entre les mains de Sitt-el-Molk, [sœur d’El-Hakem et grand]-tante d’El-Mostancer. En l’an 414 (1023-4), après la mort de cette princesse, El-Djerdjeraï rentra au pouvoir, et il y resta jusqu’à la fin de ses jours. Il mourut en 436 (1044-5). Son successeur dans le vizirat, Abou-Mohammed-el-Hacen-Ibn-Ali, portait le surnom d’El-Yazouri, parce qu’il était originaire d’un village de la Palestine [appelé Yazour][1], où son père avait été matelot[2].

Quand El-Yazouri fut élevé à ces hautes fonctions, les gouverneurs des provinces se dispensèrent de lui donner, dans leurs dépêches, le titre de monseigneur (moulaï), ce qui le piqua au vif. Il en fit même des reproches à Thomal-Ibn-Saleh, seigneur d’Alep, et à Moëzz-Ibn-Badîs, seigneur de l’Ifrîkïa. Dès lors, ces deux princes le prirent en aversion. El-Moëzz fit même serment de répudier la souveraineté des Fatemides, de faire la prière publique au nom des Abbacides, et d’empêcher que celui du khalife obeidite (fatemide), fût prononcé du haut d’aucune chaire

  1. Dans le Meracid, dictionnaire géographique arabe, on lit que Yazour est un village maritime des dépendances de Ramla, dans la Palestine.
  2. Peut-être, à la place de mellah (marin), faut-il lire fellah (agriculteur, paysan). Ibn-el-Athîr et En-Nouaïri disent effectivement que le père d’El-Yazouri appartenait à la classe des cultivateurs.