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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/380

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HISTOIRE DES BERBÈRES

Moumen en disant aux autres disciples : « Donnez-lui un âne pour monture afin qu’un jour il vous fasse monter des nobles coursiers. »

En l’an 545 (1121), Ibn-Toumert fut reconnu comme Mehdi à Hergha, et ayant ensuite obtenu l’appui de toutes les tribus masmoudiennes, il fit la guerre aux [Almoravides] Lemtouna et entreprit le siége de Maroc. Un jour, pendant que ses partisans tenaient la ville étroitement bloquée, une bataille eut lieu dans laquelle plusieurs milliers d’Almohades trouvèrent la mort. On vint annoncer ce désastre à l’imam El-Mehdi : « Voilà, lui dirent-ils, une journée fatale pour les Almohades ! » — « Que fait Abd-el-Moumen ? » leur demanda-t-il. — « Monté sur son cheval alezan, il se bat avec une bravoure extrême. » — C’est bien, répondit le Mehdi, puis qu’Abd-el-Moumen est encore en vie nous n’avons rien perdu.

En l’an 522 (1128), le Mehdi mourut en nommant Abd-el-Moumen son successeur ; mais celui-ci, craignant de ne trouver aucun appui chez les Masmouda, peuple auquel il était étranger [par la naissance], cacha la mort de son maître jusqu’à ce qu’il pût épouser la fille du cheikh Abou-Hafs, émir de la tribu des Hintata et grand chef des Almohades. Étant parvenu, avec l’aide de son beau-père, à faire exécuter les dernières volontés de leur imam, il entra dans l’exercice de l’autorité suprême en qualité de grand cheikh des Almohades et de khalife des musulmans.

En l’an 537 (1442-3), il subjugua les campagnes du Maghreb et se rendit maître du pays des Ghomara. De là il passa successivement dans le Rîf, les territoires des Botouïa, des Betalça, des Beni-Iznacen, des Mediouna, des Koumïa et des Oulhaça. Ceuxci, voisins des Koumïa, et presque leurs égaux en puissance embrassèrent si chaudement la cause d’Abd-el-Moumen, que ce chef, soutenu par eux et par sa propre tribu, réussit à consolider son autorité temporelle et spirituelle comme khalife de la nation almohade. Rentré en Maghreb, il s’empara des principales villes de ce pays, et, devenu maître du Maroc, il fit venir sa tribu pour y tenir garnison. Presque tous les Koumïa passèrent en Maghreb et se fixèrent dans Maroc, afin de soutenir le trône du