Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/443

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des détachements qui lui ramenèrent des bœufs, des moutons et du fourrage. »

Le même narrateur ajoute : « Leur prince (mélek) se nommait Djoredjir, et son autorité s’étendait depuis Tripoli jusqu’à Tanger[1]. Il gouvernait au nom de Heracl (Héraclius). Quand il eut avis de l’approche de l’armée musulmane, il rassembla des troupes et se disposa à combattre. Le nombre de ses soldats montait à cent vingt mille. »

Le narrateur dit plus loin : « Ayant fait les dispositions nécessaires, nous marchâmes contre son armée, et quelques jours’se passèrent en pourparlers. Nous l’invitâmes à embrasser l’islamisme, mais il fit le fier et répondit qu’il n’y consentirait jamais. Nous lui fimes alors la proposition de nous payer un tribut (kharadj) annuel, mais il répondit : Si vous me demandiez un seul dirhem, je ne le donnerais pas ! Nous nous apprêtames donc à le combattre, après l’avoir averti [de notre intention]. Abd-Allah-Ibn-Sâd disposa son armée en aile droite, aile gauche et centre ; le prince des Roum en fit autant, et la rencontre eut lieu dans une plaine étendue, nommée Bâcouba[2], laquelle est éloignée du siège du gouvernement grec d’un jour et d’une nuit de marche ; elle est située à la même distance de Carthagina (Carthage). Carthagina est une vaste cité renfermant des édifices très-élevés dont les murs sont en marbre blanc ; il y a des colonnes et des marbres de couleurs variées en quantité immense. »

Plus loin, ce narrateur dit : « La guerre entre les deux partis se prolongea, et Othman, ne recevant plus aucune nouvelle des musulmans, fit partir Abd-Allah-Ibn-ez-Zobeir. Ce chef prit avec lui douze cavaliers de sa tribu et pressa sa marche pour joindre les vrais croyants. Son arrivée, qui eut lieu de nuit, ex-

  1. Tanger appartenait alors aux Goths
  2. L’auteur de ce récit a emprunté au Livre des Conquêtes d’El-Beladori le fait dont il parle ici. Ibn-Sâd, dit cet historien, fit halte à Acouba (bi-Acouba). Notre narrateur, ne se doutant pas que le b de ce mot fût la préposition affixe, l’a lu Bácouba. Ce trait suffit pour démontrer que le prétendu Ez-Zohri, ou son garant Rebiâ-Ibn-Abbad, composa son récit postérieurement à l’an 280 de l’hégire. El-Beladori mourut vers cette année.