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XLII
INTRODUCTION.

Salem. » — « Ce fut au milieu du mois de Châban 760 (juillet 1359), que ce monarque fit son entrée dans la capitale du royaume. Il y avait seulement quinze jours que je m’étais rallié à lui, et maintenant je me trouvais faire partie de son cortège. Il me sut bon gré de mon empressement à le seconder, et m’ayant nommé son secrétaire privé, il me chargea de rédiger et écrire toute sa correspondance. Bientôt après ma nomination, je me dévouai à la culture de la poésie, et je composai plusieurs pièces de vers, les uns bons, les autres médiocres, que je récitai, en présence du sultan, aux jours de fête. Quelque temps s’était déjà écoulé quand Ibn-Merzouc, ayant été admis dans la familiarité du souverain, parvint à s’emparer de son esprit à l’exclusion de tout autre concurrent. Dès lors, je cessai de me mettre en avant, pour m’occuper uniquement de mes devoirs officiels. Le sultan, vers la fin de son règne, me confia les fonctions de juge souverain, chargé de rendre justice aux malheureux qui avaient à se plaindre des hommes trop puissants pour être justiciables de tribunaux ordinaires. Je fis alors droit à bien du monde ; aussi, Dieu, je l’espère, m’en récompensera. Pendant ce temps je demeurai en but aux calomnies d’Ibn-Merzouc qui, poussé par l’envie et la jalousie, cherchait à me perdre dans l’esprit du sultan ; — non-seulement moi, mais tous les autres hauts fonctionnaires de l’état ; mais enfin, sa conduite imprudente amena la déchéance et la mort de son maître. » — « Le vizir Omar-Ibn-Abd-Allah s’étant alors mis à la tête des affaires, me confirma dans mes fonctions et m’accorda une augmentation d’ictâ[1] et de traitement. L’imprudence de la jeunesse me porta alors à viser plus haut : comptant sur l’amitié de longue date qui régnait entre le vizir et moi, je présumai trop de mon pouvoir sur son esprit ; puis, trouvant qu’il ne montrait pas assez d’empressement à reconnaître mes services par l’avancement, je cessai de le fréquenter. Dès lors, il changea de sentiments à mon égard, et me témoigna une telle froideur que je demandai la permission de m’en retourner à

  1. Voy. page 117, note 2.