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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/551

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EN-NOWEIRI.

tempéré et les champs mieux fleuris. Il rapporta aussi qu’il avait entendu dire à un investigateur curieux de la signification des noms, qu’à Raccada l’on souriait sans motif et l’on était gai sans cause.

La ville de Syracuse en Sicile fut prise sous son règne. Cette conquête fut achevée dans le mois de Ramadan, 264 (mai-juin 878) par une armée expéditionnaire sous les ordres d’Ahmed-Ibn-el-Aghleb. La garnison, qui était composé de plus de quatre mille infidèles, fut passée au fil de l’épée, et on y fit un butin comme on n’en trouva jamais dans aucune des villes des polythéistes. La place fut emportée après un siége de neuf mois ; les musulmans y restèrent encore deux mois, puis ils la détruisirent et s’en allèrent.

En l’an 264, les moulas[1] qui se trouvaient dans El-Casr-el-Cadîm se révoltèrent contre Ibrahîm et interceptèrent toute communication entre Raccada et Cairouan. Il avait ordonné la mort d’un de leurs camarades appelé Matrouh-Ibn-Omm-Badir, et cela avait suffi pour les précipiter dans la rébellion. Aussitôt après, une foule immense sortit de Cairouan pour les attaquer. En face de cette démonstration, les insurgés cédèrent à la crainte et demandèrent grâce, ce qu’on ne leur refusa pas. A quelque temps de là, vint l’époque de distribuer la solde aux troupes, et comme Ibrahîm devait tenir une séance au Château d’Abou-’l-Feth, tous les moulas allèrent recevoir ce qui leur revenait. Au moment où chacun d’eux se présentait à son tour, Ibrahîm lui enlevait son épée, et les ayant ainsi tous désarmés, il fit fouetter les uns et mettre en croix les autres. Plusieurs de ces malheureux furent enfermés dans la prison de Cairouan où on les garda jusqu’à leur mort ; mais un certain nombre d’entre eux parvint à se réfugier en Sicile. Après cette exécution, Ibrahîm donna l’ordre d’acheter un grand nombre de nègres[2] auxquels

  1. Ces moulas ou affranchis étaient probablement les descendants des esclaves nègres que le premier souverain aghlebide avait installés dans le Vieux-Château.
  2. Le mot arabe est abîd.