Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 3.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela ne les empêche pas d’être tous fils d'Adam et, ensuite, de Noé. La grande famille arabe renferme plusieurs tribus tout-à-fait dissemblables, et cependant ces tribus ont Sem et Ismaïl pour aïeux. Quant à l'honneur de pouvoir compter les Prophètes parmi ses ancêtres, cela est une faveur que Dieu accorde à qui il veut[1]. Au surplus, quel mal y a-t-il d’avoir une origine commune avec un peuple que l’on distingue encore précisément à cause de sa gloire passée ? Est-ce la dégradation des Berbères ? Mais elle a eu pour cause la diminution de leur nombre et l’épuisement de leurs forces, occasionnés par la nécessité de soutenir leur propre empire et par le besoin de jouir de cette aisance que procure le pouvoir. C'est là un principe que nous avons établi dans la première partie de notre ouvrage[2]. L'on sait, d’ailleurs, que les Berbères se sont fait remarquer autrefois pat leur nombre, leur puissance, l'étendue de leur domination et les royaumes qu'ils ont fondés.

Quant à l'assertion que les Zenata appartiennent à la race amalécite, elle est loin d’être vraie et ne peut pas se soutenir. Il y avait en Syrie deux peuples appelés Amalécites : le premier, composé des enfants d'Esaü, fils d’Ishac, ne forma jamais une grande nation et jamais il ne posséda un empire ; tombé ensuite dans une obscurité profonde, il finit par dépérir sans qu'on puisse en citer un seul individu qui ait passé dans le Maghreb. L'autre possédait en Syrie une dynastie et un royaume, même avant l'arrivée des Israélites[3]. Ceux-ci s’emparèrent de Jericho, capitale de son empire, arrachèrent la Syrie à sa domination, ainsi que le Hidjaz, et le moissonna avec l'épée. Comment les Zenata peuvent-ils alors faire partie d'une nation déjà anéantie ? Si l’histoire rapportait un tel fait, on hésiterait d’y ajouter foi ; pourquoi donc y croire quand l’histoire n’en dit rien ?

Les Zenala se partagent en un grand nombre de branches et

  1. Coran ; sourate 5, verset 59
  2. C'est-à-dire dans les Prolégomènes, ouvrage dont on attend encore la publication
  3. L'auteur aurait pu ajouter : et même du temps d'Abraham. — Voy. la Genèse, xiv, 7