plus grande joie dans ce monde, mais (baissant la voix) c’est aussi notre plus grand souci, Grégoire.
grégoire. — Que dis-tu là ?
hialmar. — Oui, mon ami. Elle est en danger de perdre la vue.
grégoire. — Menacée d’être aveugle !
hialmar. — Oui. Jusqu’à présent, il n’y a que les premiers symptômes. Cela peut durer quelque temps encore. Mais nous sommes avertis par le médecin : c’est irrémissible.
grégoire. — Quel terrible malheur ! D’où cela lui vient-il ?
hialmar, avec un soupir. — C’est probablement héréditaire.
grégoire, frappé. — Héréditaire ?
gina. — La mère d’Ekdal avait la vue faible.
hialmar. — Oui ; c’est ce qu’affirme mon père. Quant à moi, je n’ai gardé aucun souvenir d’elle.
grégoire. — Pauvre enfant ! Et comment supporte-t-elle cela ?
hialmar. — Tu comprends, nous n’avons pas le cœur de le lui dire. Elle ne se doute pas du danger. Joyeuse et insouciante, c’est en gazouillant, en voltigeant comme un petit oiseau, qu’elle entrera dans la nuit éternelle. (D’un ton accablé) Oh ! mon ami, quelle torture pour moi !