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Page:Ibsen - Les Revenants, La Maison de poupée, trad. Prozor, 1892.djvu/108

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THÉATRE

nuits, j’ai dû me faire le camarade de ses orgies secrètes, là-haut, dans sa chambre. J’ai dû m attabler avec lui en tête-à-tête, trinquer et boire avec lui, écouter ses insanités ; j’ai dû lutter corps à corps avec lui pour le mettre au lit.

le pasteur, ému. — Et vous avez pu supporter tout cela !

madame alving. — J’avais mon fils, c’est pour lui que je souffrais tout. Mais à ce dernier outrage, quand j’ai vu ma propre bonne… je me suis juré que tout cela aurait une fin. Alors j’ai pris le dessus dans la maison, le dessus sur tout… sur lui-même et sur le reste. C’est que maintenant, voyez-vous, j’avais une arme contre lui, il n’osait plus bouger. C’est alors qu’Oswald a été envoyé hors d’ici. Il entrait à cette époque dans sa septième année et commençait à observer et à poser des questions, comme font les enfants. Tout cela, Manders, je ne pouvais pas le souffrir. Il me parut que l’enfant devait s’empoisonner dans ce milieu de souillure. C’est pour cela que je l’en fis sortir. Maintenant, vous comprenez aussi pourquoi il n’a jamais remis le pied dans la maison, tant que son père a vécu. Personne ne sait combien il m’en a coûté.

le pasteur. — En vérité, vous avez fait de la vie une dure expérience.

madame alving. — Je n’aurais jamais résisté, si