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Page:Ibsen - Les Revenants, La Maison de poupée, trad. Prozor, 1892.djvu/139

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LES REVENANTS

madame alving. — Oui, eh bien ?

oswald. — Eh bien, ce n’est pas cela, ou plutôt ce n’est pas une fatigue ordinaire…

madame alving, cherchant de nouveau à se lever. — Tu n’es pas malade, au moins, Oswald ?

oswald, l’obligeant encore à rester assise. — Reste là, mère. Ecoute-moi tranquillement. Ce n’est pas une maladie que j’ai, ce n’est pas ce qu’on appelle généralement une maladie. (Croisant les mains sur sa tête.) Mère ! je suis brisé d’esprit, je suis un homme fini… Jamais je ne pourrai plus travailler !

(La figure dans les mains, il se laisse tomber aux genoux de sa mère et éclate en sanglots.)

madame alving, pâle et tremblante. — Oswald ! Regarde-moi ! Non, non, tout cela n’est pas vrai.

oswald, la regardant d’un œil désespéré. — Ne plus jamais travailler ! Jamais… jamais ! Être comme un mort vivant ! Mère, peux-tu te figurer cette horreur ?

madame alving. — Mon malheureux enfant ! Mais d’où vient-elle, cette horreur ? Comment cela t’a-t-il pris ?

oswald. — Ah ! c’est précisément cela dont je ne puis pas me rendre compte. Je n’ai jamais mené une vie orageuse, sous aucun rapport : tu peux me croire, ma mère. Je suis sincère.

madame alving. — Mais, Oswald, je n’en doute pas.