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THÉATRE

le pasteur. — Celui dans lequel travaille Engstrand ?

madame alving. — Oui, on dit qu’il est parfois si imprudent avec les allumettes.

le pasteur. — Il a tant de choses en tête, cet homme ; il est si éprouvé. Dieu merci, le voilà qui s’efforce, m’a-t-on dit, de mener une vie irréprochable.

madame alving. — Vraiment ? qui vous a dit cela ?

le pasteur. — Il me l’a assuré-lui même. Ce qui est certain, c’est que c’est un bon ouvrier.

madame alving. — Oui, tant qu’il n’a pas bu.

le pasteur. — Ah, cette malheureuse faiblesse ! Mais toujours, d’après lui, c’est souvent sa mauvaise jambe qui en est cause. La dernière fois que je l’ai vu en ville, il m’a touché. Il est venu me trouver et m’a remercié avec effusion de lui avoir procuré du travail, ici, où il peut rencontrer Régine.

madame alving. — Il ne la voit pas souvent.

le pasteur. — Vous vous trompez, il lui parle tous les jours, il me l’a assuré lui-même.

madame alving. — C’est possible.

le pasteur. — Il sent si bien qu’il a besoin de quelqu’un pour le retenir quand vient la tentation ! Ce qu’il y a de touchant chez Jacques Engstrand, c’est qu’il vient à vous dans toute sa faiblesse, pour la confesser et s’accuser lui-même. La der-