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LES REVENANTS

sa pipe. Fume, garçon, dit-il, fume fort. Et je fumai tant que je pus, jusqu’à ce que je me sentis pâlir et que la sueur ruisselât de mon front. Alors il se mit à rire de si bon cœur !

le pasteur. — C’est bien étrange.

madame alving. — Mon ami, c’est un rêve qu’Oswald aura fait.

oswald. — Non, mère, ce n’est pas un rêve. La preuve, — ne t’en souviens-tu pas ? — c’est que tu es entrée et que tu m’as emporté dans la chambre des enfants ; là, je me suis senti mal et j’ai vu que tu pleurais. Est-ce que père faisait souvent de ces farces-là ?

le pasteur. — Dans sa jeunesse, c’était un homme plein de verve.

oswald. — Et pourtant il a accompli tant de choses dans ce monde, tant de choses bonnes et utiles, durant le peu de temps qu’il a vécu.

le pasteur. — Oui, c’est vrai. Vous portez le nom d’un homme digne et actif, mon cher Oswald Alving. Eh bien, espérons que ce sera pour vous un encouragement, un stimulant…

oswald. — Ce devrait en être un, en effet.

le pasteur. — En tout cas, c’est charmant à vous d’être rentré pour un jour consacré à sa mémoire.

oswald. — Je ne pouvais pas faire moins.

madame alving. — Et je pourrai le garder si longtemps ; c’est par là surtout qu’il est charmant…