Page:Ibsen - Les Soutiens de la société, L’Union des jeunes, trad. Bertrand et Nevers, 1902.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
L’UNION DES JEUNES

comme un coq en pâte ; et c’est uniquement pour cela que tu veux m’en éloigner.

fieldbo. — Cela vaudrait aussi beaucoup mieux pour toi. Tu es ici sur un terrain dangereux.

stensgard. — Vraiment ? Je te remercie, je saurai étayer le terrain.

fieldbo. — Soit, essaye ! Mais je te prédis qu’il ne tardera pas à s’effondrer sous tes pas.

stensgard. — Bon ! Tu prépares quelque trahison, je préfère le savoir. Je te connais maintenant, je sais que tu es mon ennemi, le seul que j’ai ici.

fieldbo. — Non, je ne suis pas ton ennemi.

stensgard. — Oui, tu l’es, tu l’as toujours été, même quand nous étions ensemble au collège. Toi, comme tout le monde, me considère ici, bien que je sois un étranger. Et toi qui me connais, tu ne m’as jamais rendu justice. C’est du reste ton défaut principal de ne jamais pouvoir reconnaître le mérite chez les autres. Tu es allé à Christiania, tu as fait partie des cercles et tu as passé ton temps à décrier les gens. Ces choses là se paient : on perd le sens du beau, de l’enthousiasme et l’on finit par n’être plus bon à rien.

fieldbo. — Est-ce que je ne suis bon à rien ?

stensgard. — Tu n’as même pu jamais me rendre justice.

fieldbo. — Mais que dois-je estimer en toi ?

stensgard. — Tout au moins ma force de volonté que tout le monde constate, les gens qui festoyaient hier aussi bien que le chambellan et sa famille.

fieldbo. — Le propriétaire Monsen, par exemple,