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VIII
PRÉFACE

autres drames. Sa pensée aussi, dans ce poème, se donne des coudées franches. Elle quitte le côté ombre, où elle chemine d’habitude, pour passer au côté soleil, que suivent les natures essentiellement norvégiennes, comme celle de Bjoernson.

Quelle indulgence inaccoutumée, chez le grand flagellateur de l’égoïsme et du mensonge, pour cet égoïste et ce menteur de Peer, qu’il cajole presque, comme, quatre ans plus tard, Alphonse Daudet cajolera son Tartarin ! Et quelle différence entre ce traitement bénévole et l’âpreté avec laquelle l’auteur du Canard sauvage fouaillera un jour cet autre type du même genre qui s’appelle Hialmar Ekdal ! Est-ce bien Ibsen qui, dans une radieuse apothéose, nous montre Peer, l’affreux vaurien dont il a fait le héros de sa féerie, racheté par l’amour de Solveig et sauvé par le principe de la réversibilité des vertus, alors que, seule, la réversibilité des fautes nous avait été enseignée par Brand ? Il donne bien encore, de temps en temps, un coup de boutoir aux âmes indolentes. Mais on dirait qu’il ne le fait que par acquis de conscience, ou par vieille habitude.

Au surplus, j’ai, je le répète, exposé ailleurs la philosophie de cette pièce. Je ne reviendrai donc