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ACTE IV
PEER GYNT

Eh ! mon enfant, en matière d’amour, un matou peut valoir un Prophète.

ANITRA

Le miel d’un fin badinage coule de tes lèvres, ô maître.

PEER GYNT

Petite amie, tu es comme toutes les femmes, prête à juger les grands hommes sur leur apparence. Je suis badin, au fond, surtout dans le tête-à-tête. Ma situation m’impose un masque ; je subis la contrainte de mes devoirs professionnels. En vrai prophète, je suis parfois abrupt, mais en paroles seulement. Trêve de cette comédie ! Je le répète, dans l’a parte, je suis Peer, celui que je suis. Allons ! foin du Prophète, et prends ce moi-même que je t’offre ! (Il s’assied sous un arbre et l’attire sur ses genoux.) Viens, Anitra ! délassons-nous sous l’éventail des palmes verdoyantes. Tu souriras aux paroles que je te chuchoterai. Puis nous changerons les rôles, et ce sera à moi de sourire, tandis que tes lèvres vermeilles chuchoteront l’amour.

ANITRA (s’étendant à ses pieds)

Chacune de tes paroles est douce comme un chant, quoique je ne les comprenne guère. Dis-moi, Seigneur, est-ce en t’écoutant que je trouverai une âme ?