Page:Ibsen - Un ennemi du peuple, trad. Prozor, 1905.djvu/47

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formément à sa nature, le Slave par la sensibilité, le Latin par l’intelligence. Mais les deux Germains, eux, Ibsen et Nietzsche (celui-ci, comme le lui écrivait Brandes, était, malgré son universalisme, entièrement Allemand de pensée et de langage), les deux Germains agissent plus directement et se montrent plus conscients du principe qui les fait agir. Les deux Germains, chassant de race également, procèdent par la volonté. La loi, pour Taine, est de penser. La loi, pour Tolstoï, est d’aimer. La loi, pour eux, est de combattre. À cette loi, tout se subordonne, tout, jusqu’à la réalité des choses, tout, jusqu’à la vérité. La vérité, pour Nietzsche, est uniquement ce qui sert au combat livré par nos énergies pour l’obtention de la puissance, loi primordiale de notre être. Le mensonge n’est un principe négatif qu’en tant qu’il gêne le fonctionnement de cette loi et devient force positive et vitale du moment où il lui est nécessaire. En rencontrant cette idée dans la Volonté de Puissance, qui donc, s’il a lu le Canard sauvage, ne se rappelle le mensonge vital d’Ibsen ? Dans cette pièce, il ne le proclame encore que nécessaire à la vie d’un homme ordinaire. Mais, plus tard, ce ne sont pas des hommes ordinaires ceux qui, affirmant une chose incertaine, contestable, repoussent violemment la notion de sa fausseté possible, et s’écrient : « Il faut, je veux, je veux, je veux que ce soit vrai. » Ce qui est en œuvre chez ces hommes, chez Solness, chez Rubeck, c’est bien ce que Nietzsche appelle « la volonté de puissance ». À cette volonté, agençant le fonctionnement de nos pensées et de nos volitions conscientes, tout en nous se plie à notre