Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/152

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Nora.

Oui, les cartes signifient qu’il a à jamais pris congé de nous. Il veut s’enfermer pour mourir.

Helmer.

Mon pauvre ami, je savais que je ne le conserverais pas longtemps, mais si vite ! Et il va se cacher comme un animal blessé.

Nora.

Si cela doit arriver, mieux vaut que ce soit sans un mot, n’est-ce pas Torvald ?

Helmer, se promenant.

Il était devenu de la famille. Je ne puis me faire à l’idée de le perdre. Ses souffrances, son caractère renfermé faisait comme un fond sombre au tableau ensoleillé de notre bonheur… Enfin, peut-être cela vaut-il mieux au moins pour lui. (Il s’arrête.) Et peut-être aussi pour nous, Nora. Maintenant nous voici exclusivement voués l’un à l’autre. (Il la prend dans ses bras.) Ah ! ma petite femme adorée, jamais je ne te serrerai assez étroitement. Vois-tu, Nora, bien des fois j’ai voulu te voir menacée de quelque danger pour pouvoir exposer ma vie, donner mon sang, tout risquer, tout pour te protéger…

Nora, s’arrachant de ses bras, d’une voix ferme et résolue.

Maintenant lis les lettres, Torvald.

Helmer.

Non, non, pas ce soir. Je veux demeurer avec toi, avec ma petite femme idolâtrée.

Nora.

Avec cette idée de la mort de ton ami…

Helmer.

Tu as raison. Cela nous a affecté tous les deux. Une chose qui répugne s’est mise entre nous, l’idée de la mort et de la dissolution. Il faut lutter pour nous en af-