Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/16

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Après une existence de travail ininterrompu, après des années de labeur littéraire, il avait, par deux fois, soulevé de véritables tempêtes parmi ses compatriotes. Comme il le disait lui-même, on l’avait jugé un « païen ». Ne semblait-il pas prendre à tâche de heurter les idées courantes de ses contemporains ? Le prétexte de ces bourrasques avait été en 1862 la Comédie de l’Amour et en 1869 l’Union de la Jeunesse.

Après avoir, pendant la première partie de sa carrière, chanté ce qui était l’idéal, en quelque sorte historique et légendaire, de la Norvège, Ibsen en avait, tout d’un coup, secoué le joug et, comme le fier Sicambre, il s’était mis à adorer ce qu’il avait brûlé et à brûler ce qu’il avait adoré.

Le problème de l’amour, le problème de la vie conjugale, qu’il avait maintes fois rencontré sur sa route dans ses pièces historiques, le poussait à aborder la comédie moderne. Il y arrivait avec un arsenal d’ironies, de paradoxes, de rancunes, une sorte de manie iconoclaste.

Comme le dit un des personnages de la Comédie de l’Amour, « il avait cru que l’amour était la poésie et le mariage la prose, il avait cru que l’amour était sain et le mariage grotesque, il s’était trompé : tout en amour n’est que comédie ».

Tel avait été le premier aspect de la question à ses yeux, celui qui le frappait en 1862. Mais combien il avait fait de chemin depuis lors !

C’en était fini en 1879 de la tendance à la caricature. Ibsen en était arrivé à penser qu’il faut montrer la vie telle qu’elle est, avec ses cruautés et ses tristesses, et que le théâtre doit avoir des bases non seulement vraies mais encore si faire se peut scientifiques.

Il ne devait pas tarder à aller plus loin ; mais