Aller au contenu

Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de sa thèse l’aboutissement à une cassure flagrante et violente, sinon irrémédiable.

Il y a même en germe dans certaines répliques de Nora, les principes de la revendication du droit à la recherche de l’âme sœur. « Il n’est pas juste que tu sois enchaîné quand je ne le suis pas. Pleine liberté pour tous les deux… tiens, voici ton anneau, rends-moi le mien… j’ignore ce qu’il en sera de moi… maintenant tout est fini ».

Bref, Nora n’hésitait pas à briser avec la famille, un vain simulacre ne méritant aucun respect à ses yeux.

On a beaucoup discuté en Suède-Norvège, en Allemagne et chez nous sur le départ de Nora.

Dans un très brillant article qu’il consacrait en 1889 à Maison de Poupée M. Jules Lemaître a admirablement résumé toutes les objections, en même temps qu’il indiquait ce qui distingue la « Lélia du pôle Nord » comme il appelle Nora, des Lélias de George Sand. Tous les arguments de morale ont été merveilleusement développés par lui. Il n’a certes pas oublié le plus fort, l’existence de ce lien que rien ne peut rompre, l’existence de ces trois bébés aux joues empourprées par la froide bise que le spectateur d’Une Maison de Poupée a vu jouer à cache cache avec l’alouette sans cervelle, au cours du premier acte.

Sur le terrain de la morale, la question de latitude n’existe pas. Ni l’âme norvégienne, ni l’âme latine ne pensent essentiellement de façon différente et s’il y a deux opinions en conflit, c’est que l’une représente la morale de conservation, celle qui estime que mieux vaut le simulacre que rien du tout, et l’autre, la morale libertaire, qui préfère rien du tout ou, plus exactement, la loi que chacun se crée à la loi que chacun subit.