Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/30

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d’art, elle l’a rendue avec une intensité remarquable ».

Le critique des Débats n’était pas moins élogieux :

« Ce rôle de Nora complexe et périlleux, fait d’un mélange de grâce, d’étourderie, et de dévouement tragique, a été admirablement composé par madame Réjane. Il faut la voir jouant à cache-cache avec ses enfants, animée, joyeuse, semant une gaîté saine autour d’elle, puis changeant brusquement d’expression quand on lui annonce Krogstad. Et elle est extraordinaire surtout au second acte, quand elle répète sa tarentelle et que, folle d’angoisse et, les cheveux dénoués, elle continue sa danse pour que son mari n’aperçoive pas la lettre révélatrice. Après cette scène le public a réclamé trois fois l’émouvante comédienne ».

Au Gil Blas, Bernard Dérosne trouvait aussi l’occasion d’écrire une belle page.

« La transformation de l’âme d’oiseau de l’héroïne en une âme d’être conscient et pensant qui, sous les coups de l’adversité, en arrive à mesurer l’étendue de la crise morale où elle succombe, cette transformation est rendue d’une façon admirable. C’est effrayant d’audace et de gaîté et le spectateur est lui-même comme emporté par le vertige fou dont Nora devient peu à peu la proie lamentable. Il y a dans les angoisses de la malheureuse enfant une progression si foudroyante et en même temps si normale que nous y sentons comme l’accomplissement terrible de la fatalité. Il faut le reconnaître, il est difficile d’imaginer une interprétation plus parfaite que celle dont les artistes du Vaudeville nous ont durant cette répétition de Maison de Poupée présenté l’imposant exemple. Cela aussi est admirable.

« Je ne sais si le mot de talent suffit pour caractériser le jeu de madame Réjane qui, cette fois semble