Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/85

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Helmer.

Et comment en douter, chérie ? J’ai eu mille occasions d’en faire l’expérience comme avocat : presque toutes les personnes dépravées de bonne heure ont eu des mères menteuses.

Nora.

Pourquoi précisément des mères ?

Helmer.

Le plus souvent c’est la mère dont l’hérédité agit. Cependant souvent celle du père, comme il est naturel, se fait sentir. Tous les avocats savent parfaitement cela. Et pourtant Krogstad a empoisonné ses propres enfants de son atmosphère de mensonge et de dissimulation. Voilà pourquoi je l’appelle un homme perdu moralement. (Il lui tend les mains.) Et voilà pourquoi il faut que ma gracieuse petite Nora me promette de ne plus me parler en sa faveur ? Donne-moi ta parole ? Allons ! Qu’est-ce là ! La main ! Comme ça ! C’est convenu ! Je t’assure qu’il me serait impossible de travailler avec lui. À la lettre j’éprouve un malaise physique près de gens pareils.

Nora, elle retire sa main et va se placer du côté opposé de l’arbre.

Quelle atmosphère lourde il y a ici ! Et moi qui ai tant à faire !

Helmer, se levant et rassemblant ses papiers.

Avant le dîner il faut que je relise une partie de ceci ; puis je penserai à ton costume… Il est possible aussi que j’aie quelque chose à attacher à l’arbre de Noël enveloppé dans du papier doré. (Il lui pose la main sur la tête.) Oh ! mon cher oiseau chanteur !

Il sort par la porte de son cabinet.