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BRASSÉE DE FAITS

se nomme route de Croix. Tiens, vous la connaissez ? Oui, c’est une belle voie. Nos parents se fréquentaient. Les deux pères, comme les deux mères avaient travaillé en même temps dans les filatures.

Flore et moi, on ne se quittait guère. On se retrouvait dans les ateliers, et le soir, on allait au bal, de compagnie.

Voilà qu’en même temps on nous débauche d’où l’on était. Ensemble nous entrons chez des coupeurs, deux associés.

C’étaient des enfants du pays, qu’on connaissait bien, deux vrais « lillots ». Ils avaient, ils avaient, voyons, trente-deux ans, puisque l’un et l’autre, de la classe 1909, celle de mon oncle Jules.

On était pas mal payées et il devait y en avoir pour un an d’assuré à rester là, vu les commandes. Ils venaient d’être plaqués par leurs ouvrières. L’une se mariait, l’autre enceinte, dans son sixième mois. Fallait qu’elle renonce à travailler. Vous pensez, on est presque toujours debout, et c’est dur d’actionner les découpeuses électriques.

Ils étaient rigolo. On blaguait toute la journée. Tout en travaillant ; car, pour le boulot, il n’y a pas à dire, on était sérieux. Du reste, avec ces outils-là, il faut être à ce qu’on fait. Sans quoi, il y a du risque.

Mais, ils avaient le mot et, comme on était pays, tous les quatre, on s’entendait.

Dans le Nord, vous le savez bien, on aime à rire. Mais, ça n’allait pas plus loin et, comme Flore, pas plus que