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Page:Icy - Brassée de faits, 1926.djvu/265

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LETTRE I

aimait bien des choses ! Je m’efforcerai de réduire à l’essentiel ma seconde aventure pour ne point vous lasser.

Quelque temps après mon départ de Constantinople, les hasards de la navigation me retinrent longuement dans une échelle du Levant peuplée d’Hellènes. Je ne puis, par discrétion, désigner cette escale.

Imaginez une ville très dense, grouillante en gradins un cirque de maisons multicolores qui se mirent dans l’eau tranquille, des oliviers et de noirs cyprès sous un ciel attique.

Fatigué de la mer et fatigué du bord, j’eus recours à l’obligeance intéressée d’un gros personnage, chef de la gendarmerie, pour loger à terre loin de la douteuse hospitalité des hôtels indigènes. Un archiprêtre orthodoxe, de noble prestance, se fit un honneur, moyennant une forte rétribution, de me céder une jolie maisonnette, attenante au presbytère. Cet excellent « pappa », homme d’affaires émérite car il avait plusieurs cordes à son arc, était père de deux filles. L’aînée, une superbe créature de vingt ans, institutrice dans la plus grande école du pays, se nommait Chariklia. Dans l’intimité, Chary. Elle parlait français avec un délicieux zézaiement et provoquait autour d’elle une cour de soupirants, deux ou trois officiers roides et calamistrés, de jeunes mercantis, parmi lesquels trônait en belle place mon capitaine de gendarmerie. Sa sœur, plus petite, moins jolie, mais appétissante et dodue, âgée de seize ans, avait nom Eumorphia. On l’appelait Morphitza.

Entre la famille de l’archimandrite — je laisse de