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Page:Icy - Brassée de faits, 1926.djvu/93

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RÉTROSPECTION

Parmi mes petites amies du cours qui, la plupart, y restèrent aussi longtemps que moi, il en était une qui, dès mon arrivée, devint ma préférée. Ou plutôt, c’est moi que devins la sienne, car c’est elle qui fit les avances et les frais d’une intime liaison entre nous et qui força la réserve où, enfant quelque peu farouche, je me tenais d’habitude.

Le même jour, le cinq octobre, nous entrions toutes deux chez les demoiselles Langlois. J’avais treize ans et deux mois, elle, trois mois de plus, moi, grande et blonde ; elle, plutôt petite et brune. Moi, Parisienne et enfant du quartier ; elle, Berrichone, de Bourges. Elle arrivait de son pays, — celui de son père, car sa mère était Bretonne. Commerçant, marchand de confections, son père venait occuper, avec sa petite famille, rue de Passy, une boutique de mercerie-bonneterie en plein rapport, vraiment fort achalandée, qu’il héritait d’une tante.

Je n’avais jusqu’ici jamais fréquenté d’enfant de mon âge, ni retrouvé ailleurs qu’en classe mes camarades de la laïque. Comment avec Jeanne il en fut autrement, je ne puis me l’expliquer que par des raisons de voisinage, au moins au début. La boutique de ses parents était au numéro 36, je demeurais en face et, de notre balcon du deuxième, je pouvais voir les gentils signes qu’elle m’adressait, soit du rez-de-chaussée, derrière ses vitrines, soit de l’entre-sol, des fenêtres de l’appartement ; mais, cet étroit voisinage n’aurait pas suffi à nous lier, si Jeanne, n’eût pas recherché aussi vivement mon amitié.