Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/112

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sif et cela s’apprend, si j’ose dire, par la fréquentation continuelle du seul beau. Ah ! le plaisant et monstrueux amour d’aimer, de la même passion, Murillo, Vélasquez et Raphaël ! Ceux qui pensent ainsi, n’ont jamais été admis à l’intelligence suprême de la beauté ; et la nature, en les créant, leur a refusé un sens. Que de choses à le dire, sur ce point ! Quand pourrons-nous échanger nos délicieuses sensations, en peinture et en musique ?

À propos de celle-ci, depuis quelques jours, j’ai fait la connaissance d’un Allemand, un second Chik. (Je ne sais si tu le rappelles de sa personne et de son nom). Enfin, il est passionné et nous passionnons la musique, tous deux. Nous avons formé le quatuor, avec deux artistes du pays. Il est virtuose sur le piano et presque autant sur le violon dont, premièrement, il jouait surtout. Il aime et sent, par conséquent, bien la musique et mieux une certaine musique. Mais je vais essayer de te le peindre. Il a une grande facilité sur l’instrument et grimpe, comme un chat, par octaves jusque sur son chevalet ; et cela avec art et une certaine grâce, si bien qu’il me décourage par cet art qui me manque absolument et auquel je n’ai pu donner malheureusement beaucoup de temps, que je n’ai jamais eu. Enfin, lorsqu’il joue un quatuor de Cramer, de Spor, de Ramberg, — nos Vélasquez en musique, — il dit fort bien. Mais lorsqu’il joue un Haydn, un Mozart, un Beethoven, je le plains Donc, il n’est pas assez touché par le beau