Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/123

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pense aussi que je te manquais, comme tu m’aurais manqué, absent. Quand on s’entend bien et que l’on sent de même, on a besoin d’échanger ses idées sur ce que l’on voit. Alors on sent mieux et on double ses jouissances.

Je suis bien content cependant que tu aies fait ce voyage. Il aura détendu la corde de la monotonie où tu vis. Je ne crois pas pourtant (pie, faits comme nous le sommes, nous puissions nous ennuyer par trop, nulle part. C’est le malheureux sort de ceux qui ne savent pas s’occuper, les ignorants et les stupides !

Mais, en vérité, Paris n’est pas à dédaigner, à l’époque d’un Salon quel qu’il soit. Tu as du trouver tout bien changé, depuis nous. Je n’ai pas besoin d’y être, cher ami, pour me rappeler tout ce que ton bon cœur y a fait pour moi et pour nous. La vue de ces lieux n’aurait fait qu’augmenter Le tendre sentiment de ma reconnaissance, qui sera éternelle. Tu as vu le pays des femmes les plus aimables et belles bien souvent, du moins toujours jolies par leur grâce et leur son de voix. Ici, cette soi-disant langue enchanteresse est toujours bien sottement parlée et, presque toujours, avec un son de rogomme.

Tu as dû entendre de grande et bonne musique. Il y a prés de quinze ans que je n’ai entendu une symphonie d’Haydn, ni une scène de Gluck. À propos de Gluck, as-tu jamais rencontré Mésplet l’infortuné, une de nos anciennes connaissances ? Qu’est-ce que ce monde dit et