Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 130 —

J’ai aussi quelquefois une foule d’idées assez raisonnables et originales. Je rougis de manquer, à chaque instant, à la qualité et à la bonne orthographe des phrases, et j’enrage de mon éducation mal négligée sur ce point dont tant d’autres, même médiocres, jouissent. D’ailleurs, il paraît que les études que j’aurais pu donner à ces qualités ne m’auraient servi de rien ; car toute mon intelligence s’est réfugiée sur tout ce qui est instinct, sur ce je ne sais quoi de choses qui ne s’apprennent pas méthodiquement et qui sont venues se placer dans mon intellect, sans que je les aie forcées à y entrer.

Tes lettres sont vraiment des modèles d’amitié, de style, d’idées élevées, du goût le plus pur dans la critique, et le plus sûr et le plus juste en philosophie et morale ; et cela si naturellement, que tu t’y peins toi-même avec tes sentiments. Quand je t’écris, crois bien, cher ami, que je le fais toujours bien volontiers et de tout mon cœur. Mes retards à écrire ne sont pas de craindre et de rougir de ma manière d’écrire, (quoique tu dises tant de bien de mes griffonnages). Ils viennent aussi de ma paresse. Et celle-ci provient de ma totale incapacité à écrire. J’en suis au désespoir, car j’ai toujours un million de choses à t’apprendre sur toutes mes sensations, les événements de ma vie active, passée et présente. Je ne puis ni n’ai le temps de t’instruire sur ma vie diabolique et pressée, toujours aux expédients des heures. Pas une soirée à moi, quoique que je travaille sérieu-