Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/165

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que la cérémonie soit terminée pour se décider à repartir s’il est encore méconnu, ou à rester si ses contemporains lui font tant soit peu place ?

Celui qu’Ingres cherchait, dans ce Salon de 1824 qui fut un triomphe pour ce continuateur de Raphaël dont on a lu ce qu’il écrivait alors de lui-même : « A grands cris, ils conviennent que l’art est tombé en quenouille et que je suis celui et le seul qui peut le relever ! » cet autre absent, qu’Ingres semblait appréhender de rencontrer dans cette chambrée de grands hommes et de petits outrages, c’était un autre révolutionnaire de l’art des nouveaux Romantiques, comme il l’était, lui, de l’art des vieux Classiques, un jeune homme inconnu qui exposait, non loin de ce Vœu de Louis XIII tant célébré malgré sa couleur en gris (du nom de son maître), un Massacre de Scio déjà vanté pour sa violence des chairs palpitantes et du sang chaud qui semblait se répandre d’une première blessure.

Eugène Delacroix ?

En cet assaut lumineux d’étoile du matin qui se lève et d’étoile du soir qui se couche, qui va nous faire connaître intimement ce Lucifer ou ce Démon « qui court sur les toits » et dont les premiers pas tapageurs empêchent Ingres de goûter en silence ses premiers succès, si longuement attendus et si chèrement payés ?

II

Au voisinage des rues de Bourgogne et de Bellechasse, où le souvenir mélancolique d’Adrienne Lecouvreur dort dans sa tombe, encore inexplorée, — cette pauvre tragédienne enterrée, par d’Argental, au fond du terrain vague qui, depuis, sert au passage des profanes tramways du boulevard Saint-Germain, — de vieux amis de Delacroix m’avaient dit que je découvrirais là, peut-être encore, le plus intime de