Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/23

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Ingres quitta Montauban pour Toulouse, et l’école des Maristes de sa ville natale où l’indigence des siens lui avait fait à peine apprendre à lire et à écrire, pour celle du musée des religieux Cordeliers que quelques artistes Toulousains inauguraient alors, avec des débris de la Révolution, dans « cette grande et belle ville, comme écrira plus, tard Ingres, presqu’aussi riche en monuments d’art que Rome, à qui elle ressemble ». L’époux parfois volage de la sage ménagère du Carrayrou de Mourancy, où Anne Moulet resterait désormais seule, conduisit donc son fils à Toulouse avec, pour gagne-pain, leurs deux violons qu’ils utilisèrent au Grand-Théâtre, en certains concertos dont celui de Viotti ne fut pas leur moindre succès. Le futur maître de la Source ne faillit-il pas même y noyer irrémissiblement l’avenir qui l’attendait chez les peintres ? L’un d’eux, Joseph Roques, se rencontra heureusement pour repêcher ce petit racleur de rebec et prosterner l’adoration de l’enfant devant les Vierges de Raphaël à qui, depuis, toute sa vie, Ingres devait rester fidèle.

Sans doute, avant d’entrer à l’atelier de Roques, notre jeune rapin fréquenta les cours de Vigan, précédemment directeur de l’Académie Royale de Toulouse, et faillit y contracter les goûts personnels de ce professeur pour la peinture monumentale, d’après la ronde-bosse des Antiques. Il n’évita même ce Charybde de la vieille école que pour se risquer dans le Scylla d’un autre prétendu maître, appelé Joseph Bertrand (et non Briant), paysagiste « du beau feuillé » à la manière mal comprise du Poussin. Ingres, déjà conscient de son tempérament à la fois classique et réaliste, s’évada de ces trois ateliers et de ces trois influences diverses pour aller suivre encore, à Paris, celle de Roques, dans l’atelier de David où l’envoya, vers la fin de 1796, ce petit Joseph qui avait connu ce grand Louis à Rome, dans la compagnie de Vien et de quelques autres amateurs des faux copistes du pur ait