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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/299

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Montauban, à y aller vieillir avec toi et les aimables amis qui m’y conservent leur souvenirs et leur précieuse estime. Je me fais, avec ma bonne femme, des châteaux en Espagne qui me rendent heureux. Là, mon parti étant pris, ayant ramassé tous mes petits sous, je rêve de me revoir pour une bonne fois sans soucis, sans bruit, citoyen de notre jolie ville, jouissant de son beau climat et de tout ce que la nature y prodigue. Qu’en dis-tu ? Ah ! mon bon ami, que je serais heureux de cette réalité ! Car, il faut le dire, nous sommes amis d’enfance ; nos talents, nos goûts, une amitié à toute épreuve, nous lient.

Et cependant, en fait, jouissons-nous de tous ces dons de l’amitié, toujours à quatre cents lieues l’un de l’autre ? Tant mieux si tu viens nous voir à Paris, et nous y comptons, avec ta chère fille que nous aimons déjà comme nôtre ; mais faudra-t-il encore nous séparer ? Ces longs jalons à de si longs intervalles nous montrent malheureusement les ravages que le temps exerce sur notre pauvre physique, si ce n’est aussi sur nos facultés. C’est assez triste ! Au moins, si nous vivions ensemble, ces choses seraient comme si elles n’existaient pas, et la vie s’écoulerait dans les douces consolations que donne l’amitié. Nous avons le temps d’y repenser, et je ne jette pas le manche après la cognée.

Mon Directorat finit dans quinze mois. Est-ce bien ton dernier mot de ne point revenir à Rome ? J’espère toujours que non. Dans tous les cas, à