Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/338

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vous voudrez, zézayait-il d’un ton dégagé, j’en suis désolé ; niais Raphaël n’est pas mon homme. » Ingres, alors directeur de l’Académie de France et devant qui ce monsieur croyait devoir se désoler, l’arrêta net et l’écrasa d’un simple : « Il n’importe ! »


À sa première réception chez Ingres, directeur de l’Académie de France à Rome, Henri Beyle (Stendhal), parlant musique, formula péremptoirement ceci : « Il n’y a pas de chant dans Beethoven. » Ingres lui tourna net le dos, et descendit le désigner au portier de la villa, avec cet ordre : « Je n’y serai jamais pour ce monsieur ! »


Ingres, accompagné d’Hippolite et de Paul Flandrin, au Musée du Louvre, arrive devant le Saint Michel de Raphaël, fraîchement restauré, et dit :

— À bientôt l’enterrement !


On a beaucoup parlé, à tort et à travers, d’Ingres violoniste. On l’a fait, tantôt l’émule de Baillot et de Paganini, tantôt un assez ridicule amateur du Salon des Ganaches. Ces calembredaines étaient plus faciles, pour les plumes boulevardières, que l’analyse savante et impartiale des qualités du plafond d’Homère et du portrait de M. Bertin. La vérité est qu’il jouait très convenablement sans grande virtuosité, mais avec une exécution suffisante, un sentiment très juste et en toute discrète intimité, la musique classique des maîtres] qu’il adorait : Mozart en tête, dont il proclamait le Don Juan le chef d’œuvre de l’esprit humain. Je l’ai entendu dans une sonate de ce maître, accompagné au piano par Mme Hippolyte Flandrin. Nous étions seuls auditeurs, avec les deux frères Hippolyte et Paul et le sculpteur Gatteaux. Le morceau fini, comme je gardais dans l’expression de ma satisfaction même, une certaine réserve respectueuse et timide, les