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suite ; puis avoir du papier non collé, l’appliquer dessus avec de la colle de farine claire, attendre qu’il soit sec et l’enlever : il emporte ainsi beaucoup de crasse.

8. — Couleurs bien broyées.


Les qualités essentielles de la couleur résident dans l’ensemble des masses, ou noirs, du tableau et, de plus, dans le brillant et la distinction particulière des couleurs des objets. Par exemple, voir briller un beau linge blanc sur un corps brun olivâtre et distinguer surtout une couleur blonde à côté de la brune et des figures colorées par leurs teintes locales. Cette réflexion m’a été inspirée par le hasard, qui m’en a fait voir des preuves sur mon Œdipe. Une draperie blanche paraissait sur la cuisse vue dans le miroir, et si éclatante, et si belle, à côté de cette belle couleur de chair chaude et dorée.


Pour peindre à la Vénitienne, l’épreuve m’en fut donnée par une esquisse de M. Lewis, peintre anglais. Cette esquisse était faite d’après le beau Titien de notre Musée, Jésus porté au tombeau. Ce peintre, pour arriver à imiter ce maître, a peint sur une toile sans autre impression qu’une légère teinte de colle, comme il paraît que tous les peintres vénitiens en ont usé, et le plus souvent sur du coutil. Il a reconnu avec vérité que, pour obtenir du transparent cette belle chaleur de teinte, il fallait tout glacer, et par conséquent peindre tous les dessous en gris plus ou moins colorés, espèce de monochrome :

1o Les chairs vierges en gris violet très léger ;
2o Les chairs brunes en plus fort ;
3o Les cheveux de même ;
4o Les draperies vertes, jaunes ;
5o Les fleurs blanches mais avec un sentiment de leur propre couleur ;
6o Les rouges idem ;
7o Les ciels, idem ;
8o Il faut en général peindre dur, heurté et franchement :