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Pour les portraits, beaucoup de fond au-dessus des têtes ; un côté clair et l’autre sombre. Il faut avoir la petite Uranie en statue et les petites Cérès.


On dit que Raphaël dessinait ses draperies d’après les élèves qui travaillaient avec lui, parce qu’ils savaient mieux que d’autres personnes s’accommoder d’une manière qui fit paraître les plis plus beaux. Voilà ce qu’il me faut suivre, à la lettre. Je bannis les mannequins, excepté pour les portraits, et seulement pour les a flûtiaux de femmes, qui demandent un fini détaillé.


Les peintres marquent beaucoup d’orgueil lorsqu’ils emploient inconsidérément trop de blanc dans leurs tableaux. Il faut plutôt l’amoindrir et l’éteindre, pour le réserver dans les occasions des éclats de lumière qui font l’effet et qui donnent le jour au tableau. Le Titien disait qu’il serait à souhaiter que le blanc fût aussi cher que l’outre-mer ; et encore Zeuxis, qui était le Titien des anciens peintres, reprenait souvent ceux qui ignoraient combien cet excès était préjudiciable à l’effet de leurs tableaux.


Nicolas Poussin avait appris à Guaspre à voir la Nature grande dans le paysage, et il le dirigeait encore dans les figures ; aussi les ouvrages de ce peintre expriment-ils assez d’élégance et d’érudition. Il peignait avec une grande facilité et pouvait faire un tableau dans un jour. Il a fait plusieurs tableaux à la colle ou tempera qui paraissaient, par leurs clarté et faiblesse de ton, être des préparations sur lesquelles il revenait avec de riches glacis à l’huile. J’ai cru voir chez plusieurs anciens peintres, surtout chez les coloristes, cette méthode de préparer les tableaux avec des couleurs à la colle et de les terminer ensuite à l’huile.